Précarité menstruelle, quand les protections hygiéniques sont un luxe
1750 euros, 3800 euros ou encore 23.500 euros, ces chiffres proviennent de différentes études internationales visant à estimer le coût des règles dans la vie d'une femme. Difficile de quantifier de façon fiable le coût financier de nos menstruations, pourtant, quiconque possède un utérus le sait, cet investissement financier est bien réel. Aux protections hygiéniques, viennent s'ajouter les consultations gynécologiques, d'éventuels médicaments antidouleurs et les sous-vêtements. Bien évidemment, plus nos règles sont longues et abondantes… Et plus nous passons à la caisse.
Qu'est-ce que la précarité menstruelle ?
En France, 1,7 million de femmes et de personnes menstruées n'ont pas les moyens financiers de se procurer des protections hygiéniques en quantité suffisante.
C'est ce que l'on appelle la précarité menstruelle. Sans abris, travailleuses précaires, jeunes-filles ou encore étudiantes, ces personnes menstruées partagent la même angoisse, celle de se retrouver démunies pendant leurs règles.
Des risques sanitaires importants
Une situation qui engendre des conséquences dramatiques en terme d'hygiène menstruelle et de santé intime.
« Ces femmes sont parfois contraintes de garder durant plusieurs jours le même tampon, augmentant significativement le risque d'infections et de souffrir du Syndrome du Choc Toxique.» explique la sage-femme Élisabeth Latour de Mareuil. « Elles peuvent aussi avoir recours à des produits inadaptés comme des feuilles de journaux pour remplacer les serviettes hygiéniques, s'exposant ainsi à des irritations et des allergies».
Le port de protections inadaptées peut entraîner des démangeaisons, un déséquilibre de la flore vaginale, des infections vaginales (comme les mycoses) ou même une prolifération de staphylocoques dorés. La précarité menstruelle empêche donc l'accès à de bonnes conditions hygiéniques (accès à l'eau pour se laver les mains, pour son hygiène intime ou pour laver ses protections). C'est sans parler des protections intimes efficaces, confortables et de bonne qualité.
En effet, leur accès aux protections jetables conventionnelles - dont la composition a fait l'objet d'une alarme de la part de l'Agence Nationale de Sécurité Sanitaire (présence de traces de susbtances chimiques, produits toxiques et autres perturbateurs endocriniens comme le glyphosate) - est limité.
Qu'en est-il alors de l'accès aux protections hygiéniques jetables en coton bio qui sont plus sûres mais coûtent plus cher ? Et de celles qui sont réutilisables mais qui nécessitent l'accès à l'eau (difficile d'utiliser une protection lavable ou de stériliser sa cup menstruelle sans eau) ?
Exclusion, moqueries, discrimination : les conséquences psychologiques
Sur le plan psychologique, la précarité menstruelle est aussi dévastatrice. Souvent stigmatisées, ces personnes menstruées se retrouvent en situation d'exclusion : elles se sentent sales et honteuses. Le décrochage scolaire peut aussi être l'une des conséquences de la précarité menstruelle. Au collège, une jeune fille qui souffre de précarité menstruelle peut avoir des fuites et subir de nombreuses moqueries de la part de ses camarades.
Dans le monde, 500 millions de personnes vivaient dans la précarité menstruelle en 2019.
L'hygiène menstruelle fait partie des droits à la personne
"Les droits de la personne sont les droits que toute personne possède en vertu de sa dignité humaine. La menstruation est directement en lien avec la dignité humaine : lorsqu’une personne n’a pas accès à des installations sanitaires sûres (par exemple à l'eau froide à Madagascar) ni à des moyens efficaces de gérer son hygiène menstruelle, elle ne peut pas gérer ses règles dans la dignité". Source : UNFPA
Toutes les personnes menstruées sont concernées par ces droits fondamentaux : femmes, jeunes femmes, filles mais également les hommes transgenres et les personnes non-binaires qui ont leurs règles.
Pour briser le tabou et abolir la précarité menstruelle, la Journée Mondiale de l'Hygiène et la Santé Menstruelles est célébrée tous les 28 mai de chaque année.
Partout dans le monde, des millions de femmes souffrent du manque d'accès aux protections hygiéniques.
Dans de nombreux pays, les règles sont un véritable tabou. Dans certaines régions rurales du Népal, les femmes sont exilées pendant leurs menstruations. Jugées impures, elles doivent quitter la maison familiale pour se cacher dans des huttes insalubres jusqu'à la fin des saignements. Dans les campagnes indiennes, les femmes qui ont leurs règles n'ont pas le droit de cuisiner, car selon la croyance populaire, elles pourraient empoisonner la nourriture. En Afrique, l'UNESCO estime qu'une fillette sur dix ne va pas à l'école durant ses menstruations.
Les associations et ONG qui luttent contre la précarité menstruelle
Pour endiguer ce fléau, de nombreuses associations nationales ou internationales se mobilisent. Leur objectif : faciliter l'accès aux produits d’hygiène mais aussi informer afin de briser le tabou autour des règles.
Chez Jho, nous avons décidé de soutenir Gynécologie Sans Frontière à Madagascar, en faisant don de protections hygiéniques aux femmes réfugiées.
Précarité menstruelle : quelle est la situation en France ?
A l'étranger comme en France, de plus en plus de voix s'élèvent pour dénoncer l'injustice de la précarité menstruelle. Tara Heuzé-Sarmini est une jeune étudiante de 25 ans. En 2015, elle a fondé Règles Élémentaires, une association qui organise des collectes de protections hygiéniques. « En 5 ans, nous avons redistribué plus d'un million de serviettes et de tampons à des femmes dans le besoin. Il y a une demande énorme.»
La mise en place de la taxe tampon ou taxe rose
Sous la pression des associations, l'Etat français a pris la décision, en janvier 2016, de baisser la TVA sur les protections périodiques de 20% à 5,5% : c'est ce que l'on appelle la Taxe Tampon.
Vers la gratuité ou le remboursement des protections hygiéniques ?
Un premier pas loin d'être suffisant pour Tara Heuzé Sarmini « Il faut aller plus loin. En Écosse ou au Pays De Galle par exemple, les protections hygiéniques sont gratuites pour les étudiantes. La France est vraiment un mauvais élève au niveau européen». En mai 2019, Marlène Schiappa secrétaire d'état chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, a annoncé l’expérimentation de la gratuité des protections hygiéniques dans certains lieux collectifs comme les centres sociaux ou les établissements scolaires. Une mesure qui, faute de budget, n'a pas encore été testée…
L'action de la LMDE pour les étudiantes
Depuis 2018, la LMDE, mutuelle étudiante connue, rembourse l'achat de protections hygiéniques à hauteur de 20 à 25 euros par an à ses adhérent(e)s. C'est la 1ère mutuelle à le faire en France et elle est l'un de nos partenaires. Sur présentation d'un justificatif d'achat, elle rembourse aussi bien les tampons hygiéniques, les serviettes périodiques, les coupes menstruelles que les culottes de règles.
Un rôle à jouer dans les établissements scolaires et les lieux de travail
Chez Jho, nous pensons que l'accès à des protections hygiéniques de qualité est essentiel pour bien vivre ses règles. Les menstruations continuent d'être un sujet tabou. La mise à disposition de distributeurs de protections périodiques dans les collèges, lycées (voire écoles primaires pour les jeunes filles souffrant de puberté précoce) peut être salvatrice dans la lutte contre la précarité menstruelle.
Les dirigeant.e.s d'entreprise ont aussi leur rôle à jouer en installant ces distributeurs dans les toilettes de leurs bureaux, pour le bien-être au travail de leurs employés menstrués. Cette décision peut s'intégrer dans une démarche RSE.
Le chemin est encore long dans la lutte contre la précarité menstruelle.
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